Sélectionner des sites pour relâcher des harpies féroces
Les harpies féroces sont des rapaces menacés d’Amérique centrale et du Sud. Une étude montre pourquoi et comment les relâchés d’animaux réhabilités ou nés en captivité doivent tenir compte des caractéristiques du domaine vital et des préférences en matière d’habitat.
La harpie féroce (Harpia harpyja), présente dans les forêts tropicales sempervirentes de basse altitude du sud du Mexique au nord-est de l’Argentine, est le plus grand rapace forestier vivant en Amérique centrale et du Sud. Il se nourrit de mammifères de taille moyenne vivant dans les arbres, comme les paresseux et les singes. Tout comme l’aigle des Philippines (voir https://www.argos-system.org/philippine-eagles-forage-human-fragmented-forests/), cet oiseau est menacé par la perte d’habitat et la persécution humaine. Il figure sur la liste mondiale des espèces vulnérables et en danger ou localement éteintes dans certains pays d’Amérique centrale.
Les rapaces jouent un rôle clé dans les écosystèmes et sont souvent considérés comme des espèces « parapluie ».
Entre 1987 et 2006, le Peregrine Fund a relâché 49 harpies féroces nées en captivité et réhabilitées en Amérique centrale, dans le cadre d’un effort visant à rétablir la population de l’espèce dans la région. 36 harpies féroces (31 oiseaux élevés en captivité et 5 oiseaux réhabilités) ont été suivis par télémétrie satellite Argos-GPS.
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Ces rapaces ont été relâchés au Belize et au Panama et leur dispersion après leur libération ainsi que la taille de leur domaine vital annuel ont été estimées. Ils ont été suivis pendant une moyenne de 551 jours (4 ans pour les plus longs). Grâce à ce suivi pluriannuel, 55 zones centrales annuelles et domaines vitaux de harpies individuelles ont pu être estimés à partir des localisations Argos-GPS.


L’analyse des domaines vitaux et des zones centrales a montré une grande variabilité entre les individus en fonction du sexe, de l’âge au moment du relâché, et de la méthode de libération. Les oiseaux plus âgés se sont davantage dispersés, avec des domaines vitaux plus étendus. Les femelles ont des domaines vitaux moyens plus grands que ceux des mâles. Bien que 80 % des individus aient eu plus de 40 % de leur domaine vital annuel dans les 200 zones protégées, leur domaine vital moyen sont plus grand que celui de la plupart des zones protégées d’Amérique centrale. Les harpies féroces ont des domaines vitaux plus étendus lorsque le paysage est hétérogène. Ainsi, elles pourraient se déplacer moins dans les zones où les ressources sont regroupées.
La petite taille de nombreuses zones protégées en Amérique centrale pourrait ne pas être très efficace pour la réintroduction des harpies féroces. En particulier, une coordination entre les pays est nécessaire car les domaines vitaux des harpies féroces peuvent s’étendre sur plusieurs pays. En outre, relier les zones protégées en réseaux ou en corridors biologiques pourrait également contribuer à leur conservation. Les futurs relâchés de harpies féroces réhabilités ou nés en captivité devraient tenir compte des caractéristiques du domaine vital et des préférences en matière d’habitat.
Référence & lien
- Naveda-Rodríguez, A.; Campbell-Thompson, E.;Watson, R.T.; McCabe, J.; Vargas, F.H. Dispersal and Space Use of Captive-Reared and Wild-Rehabilitated Harpy Eagles Released in Central American Landscapes: Implications for Reintroduction and Reinforcement Management. Diversity 2022, 14, 886. https://doi.org/10.3390/d14100886
- https://www.peregrinefund.org/projects/harpy-eagle
Photo principale: Harpie féroce adulte réhabilité avec un émetteur satellite Argos après avoir été relâchée au parc national de Soberania au Panama @ Angel Muela.