Les sarcelles à ailes bleues, hôtes fréquents de grippes aviaires
Les oiseaux aquatiques migrateurs sauvages tels que les sarcelles à ailes bleues sont des hôtes fréquents de virus de la grippe aviaire. Ils peuvent contaminer les élevages de volailles qui, à leur tour, développent des maladies hautement contagieuses, touchant parfois la population humaine. Il est donc primordial de pouvoir surveiller de près les volailles aux moments et aux endroits où les risques sont les plus élevés.
Photo : une sarcelle à ailes bleues avec un émetteur Argos (crédit Jonas Bonnedahl)
Les sarcelles à ailes bleues, hôtes fréquents de virus de grippe aviaire
Les virus de la grippe aviaire sont présents partout dans le monde. Ils peuvent entraîner des maladies très contagieuses parmi les volailles, avec les problèmes économiques que cela implique pour les éleveurs, et des risques possibles pour la sécurité alimentaire. En outre, il arrive que l’un de ces virus devienne épidémique dans la population humaine. Il est donc important de mieux évaluer les mouvements des hôtes naturels de ces virus, et leurs relations avec les volailles.
Les sarcelles à ailes bleues (Spatula discors) sont des oiseaux aquatiques sauvages migrateurs de la sous-famille des canards. On les trouve presque exclusivement sur le continent américain. Elles sont très répandues et sont également des hôtes fréquents de virus de la grippe aviaire. Il est donc utile de déterminer les moments et les lieux où les sarcelles à ailes bleues et les volailles se rencontrent, pour surveiller et gérer efficacement la grippe aviaire. La transmission de virus à la volaille peut être directe (contact avec un animal sauvage infecté, ce qui signifie que les hôtes naturels et la volaille se trouvent au même endroit au même moment), ou indirecte (par l’intermédiaire d’un vecteur biotique ou d’un virus excrété dans l’environnement. La volaille et l’hôte naturel peuvent alors se trouver au même endroit à des moments différents). Le chevauchement est donc défini comme les endroits où les hôtes naturels (les sarcelles à ailes bleues dans cette étude) sont au sol et géographiquement proches des volailles.
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Suivi et modélisation des mouvements des sarcelles à ailes bleues
Quarante-deux sarcelles à ailes bleues adultes ont été capturées et équipées d’émetteurs Argos de 9,5 g fonctionnant à l’énergie solaire. Douze ont été équipées sur leur habitat d’été au Canada (Alberta, Saskatchewan), trente sur leur habitat d’hivernage le long de la côte du Golfe du Mexique (Texas, Louisiane), au sud des Etats-Unis.
Les localisations ainsi obtenues ont été employées pour développer un modèle d’utilisation de l’espace par les sarcelles à ailes bleues. Ce modèle a ensuite été utilisé en lien avec les épisodes de grippe aviaire signalés dans les élevages de volailles. L’objectif est d’essayer de cartographier les probabilités de grippes en relation avec les mouvements des oiseaux sauvages. Un autre modèle spatio-temporel a été développé en utilisant les mêmes données de suivi, en conjonction avec un modèle de localisation des installations avicoles (parfois des basses-cours avec seulement quelques poulets ou dindes, ou de grandes exploitations commerciales). Des données d’occupation des sols ont également été incluses.

Épisodes de grippe aviaire et utilisation de l’espace par les sarcelles à ailes bleues.
Les épisodes de grippe aviaire sont enregistrés par la FAO dans le système mondial d’information sur les maladies animales (EMPRES-i), disponible sur le web. Cette base de données permet de comparer le modèle d’utilisation de l’espace par la sarcelle à ailes bleues avec les cas de grippe aviaire enregistrés. La population de volailles dans cette modélisation est également obtenue auprès de la FAO.
Les résultats ([Humphreys et al., 2020]) indiquent que la présence d’oiseaux aquatiques migrateurs a un impact sur l’occurrence de la grippe aviaire chez les volailles élevées dans les exploitations commerciales en Amérique du Nord. Toutes les occurrences ne sont probablement pas directement liées aux oiseaux d’eau sauvages, notamment dans les endroits où les exploitations à grande échelle sont nombreuses et proches. Mais, là où la probabilité de présence ou de séjour prolongé de la sarcelle à ailes bleues est plus élevée, le risque d’apparition de la grippe aviaire augmente dans les exploitations commerciales.

Colocalisations spatio-temporelles de volailles avec des sarcelles à ailes bleues
Pour affiner l’analyse, une deuxième étude ([Humphreys et al., 2021]) utilisant les mêmes suivis a été réalisée, avec un modèle spatio-temporel comportant un modèle de localisation des installations avicoles (les producteurs de basse-cour avec seulement quelques poulets ou dindes, comme les grandes exploitations commerciales). Des données d’occupation des sols, y compris les données sur les eaux de surface, ont également été incluses. L’objectif était d’évaluer la probabilité que des oiseaux sauvages soit colocalisés avec des exploitations avicoles, et donc la probabilité de contaminations.
Les résultats montrent que la période la plus risquée dépend de la latitude : la surveillance de la grippe aviaire devrait ainsi être plus étroite pendant la migration printanière au sud de 40°N, tandis que plus au nord, c’est la migration automnale qui serait à surveiller de plus près. Le comportement des oiseaux sauvages est différent selon que ce sont des dindes ou des poulets qui sont élevés. Il existe également une différence entre les élevages de poulets à petite échelle et les grandes exploitations commerciales – les sarcelles à ailes bleues semblent préférer se trouver au sol près de ces dernières.

Perspectives
Il existe une corrélation entre les migrations des sarcelles à ailes bleues et les foyers de grippe aviaire dans les élevages de volailles.
Les lieux et les moments où les sarcelles à ailes bleues et les volailles sont colocalisés devraient aider à identifier les risques d’épidémies de grippe aviaire chez les volailles. Ceci devrait ainsi permettre d’établir une stratégie efficace de surveillance et de réponse à la maladie. Cependant, d’autres d’oiseaux migrateurs aquatiques sauvages sont des hôtes de ces virus, et devraient être étudiés afin d’englober toute la gamme des risques et des contre-mesures à prendre.
Références
- Humphreys, J.M., A.M. Ramey, D.C. Douglas, J.M. Mullinax, C. Soos, P. Link, P. Walther, D.J. Prosser, 2020: Waterfowl occurrence and residence time as indicators of H5 and H7 avian influenza in North American Poultry. Sci Rep, 10, 2592 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-59077-1
- Humphreys, J.M., D.C. Douglas, A.M. Ramey, J.M. Mullinax, C. Soos, P. Link, P. Walther, D.J. Prosser, 2021: The spatial–temporal relationship of blue-winged teal to domestic poultry: Movement state modelling of a highly mobile avian influenza host. J Appl Ecol., 58, 2040–2052 (2021). https://doi.org/10.1111/1365-2664.13963