Les migrations des antilopes d’Amérique au travers des barrières créées par l’homme
La cartographie des migrations des ongulés est importante pour leur protection. Les antilopes d’Amérique sont une espèce endémique d’Amérique du Nord (Canada, États-Unis et Mexique), qui migre entre différentes régions. La télémétrie par satellite permet de modéliser ce qui peut entraver ces migrations et ainsi prendre des mesures pour faciliter leur parcours.
Photo : Une antilope d’Amérique (crédit P. Jones – Alberta Conservation Association)
Une espèce unique
L’antilope d’Amérique (Antilocapra americana) est la seule représentante de son genre, ressemblant à une antilope mais en fait plutôt proche des girafes. Elle est endémique de l’Amérique du Nord et on la trouve du Canada (sud du Saskatchewan et de l’Alberta) au Mexique (Sonora et San Luis Potosí), en passant par les États-Unis (Dakota du Nord, centre du Texas à l’ouest, côte sud de la Californie). L’espèce était presque éteinte, mais elle se rétablit maintenant, à l’exception des sous-espèces de Sonora et mexicaine. Les antilopes d’Amérique sont souvent partiellement migratrices : une partie de la population migre au printemps et à l’automne, tandis qu’une autre reste résidente. Les antilopes d’Amérique montrent une forte sensibilité aux facteurs anthropiques, surtout lorsqu’elles migrent, notamment parce que les infrastructures humaines fragmentent leurs chemins (routes, lotissements, etc.).
Suivi des antilopes d’Amérique et modélisation de leur habitat migratoire
Afin de mieux évaluer ce qui peut entraver les migrations des antilopes Amérique, plusieurs institutions des deux côtés de la frontière canado-américaine ont mené une étude. Celle-ci a utilisé la télémétrie par satellite pour récupérer les positions GPS afin de construire un modèle d’habitat. L’utilisation d’un modèle permet de passer outre l’échantillonnage incomplet ou inégalement réparti inhérent aux localisations. Ce modèle particulier d’habitat a été conçu à deux échelles différentes, l’une pour le voisinage du chemin de migration (« de second ordre »), l’autre pour les mouvements quotidiens plus courts des animaux (« de troisième ordre »). La végétation, l’occupation des sols, la topographie et d’autres caractéristiques naturelles, ainsi que les données relatives aux infrastructures humaines ont également été intégrées dans le modèle.
Plus d’infos sur le suivi d’animaux avec Argos
185 antilopes d’Amérique femelles ont été équipées de colliers de télémétrie par satellite – en partie Argos – pendant les hivers 2003-2010. La zone d’étude comprenait 315 876 km2 de prairies de l’Alberta et du Saskatchewan au Canada et du Montana aux États-Unis, un paysage de plaines ouvertes et de collines. L’équivalent du déplacement annuel de 170 animaux a été utilisé (94 individus réels), dont 55 % sont des migrateurs et 45 % des résidents.

Analyse des résultats et perspectives pour les antilopes d’Amérique
Comme types de couvert végétal, les antilopes d’Amérique semblent préférer les prairies indigènes (qui leur permettent de maintenir leurs réserves énergétiques) et éviter les forêts de conifères pendant leurs deux migrations. En ce qui concerne les infrastructures humaines, les ruminants semblent éviter les routes pendant les deux migrations et les puits de pétrole et de gaz pendant la migration de printemps, mais cela n’est visible qu’à grande échelle, et non à petite échelle.
Les recommandations qui découlent de cette étude sont d’une part que la protection des prairies indigènes est une priorité de conservation. D’autre part, la sensibilité des antilopes migratrices d’Amérique aux routes pose un problème potentiel pour elles, car celles-ci peuvent leur barrer le chemin optimal. Il est donc important de faciliter leurs déplacements au travers des réseaux routiers. La coopération des deux côtés de la frontière canado-américaine devrait également être encouragée, avec le partage des données et la gestion conjointe de ce type d’espèces.
Une telle méthodologie serait également intéressante dans toute région où des ongulés migrent, en particulier lorsque l’autorité est dispersée entre différentes administrations.
Référence
- Jakes AF, DeCesare NJ, Jones PF, Gates CC, Story SJ, Olimb SK, et al. (2020) Multi-scale habitat assessment of pronghorn migration routes. PLoS ONE 15(12): e0241042. https://doi.org/ 10.1371/journal.pone.0241042